Des cours quoi qu'il arrive ! [PV. Muhachi]

Aujourd'hui, L'étrangère était bien décidée à vivre une journée parfaite, sans rien ni personne pour la troubler. Elle voulait, mais est-ce qu'on – c'est à dire je – était prêt à la laisser vivre une telle journée ? Oh que non, j'avais d'autres plans pour elle... Aujourd'hui, j'étais d'une humeur de chien, et elle allait en faire les frais. Alors, tout d'abord, je la laissais avec une simple fièvre le matin – normalement, je commence par bien pire, tel que des douleurs et des muscles figés – Et elle s'habillait tranquillement. Elle n'avait absolument aucun problème, et elle partait pour une très belle journée. C'est ainsi qu'elle se donnait à elle, un peu mieux préparée qu'à son habitude, car cette fois elle pouvait se le permettre... Cependant, d'un coup, elle fût prise d'un premier spasme. Oups, j'avais pas fait exprès... Elle fût ensuite déstabilisée, et sa mâchoire heurtait le lavabo et elle tombait par terre, se massant la mâchoire. Et cette fois, le pire, c'est que j'avais rien fait ! Elle avait même plus besoin de moi pour se faire du mal. Ce n'était pas une simple blessure comme celle ci qui allaient l'empêcher de bien vivre, alors elle se relevait, déterminée, et elle réfléchissait à ce qu'elle pourrait bien faire. Et, dans sa tête, elle évoquait le scénario de flâner au lit toute la journée... Et je me faisais un plaisir à l'idée de l'aider. Alors qu'elle eut fini de se préparer et qu'elle approchait de la porte, elle fût prise d'un soudain arrêt de sa respiration, et elle basculait brusquement, heurtant violemment la porte, attirant ses voisines à sa chambre. L'une d'entre elle ouvrit sa porte lentement, et elle y était attachée. Elle avait les deux mains sur la porte, et elle basculait quand la porte s'ouvrait. Voyant ceci, l'une des filles l'arrêtait avant qu'elle ne commence à tomber, et grand bien lui fasse, cela aurait pu lui faire très mal.

Elle n'arrivait pas à y croire. Elle souffrait tellement... c'était la première fois que je lui infligeais une telle douleur. J'arrivais même à entendre ses cris intérieurs, se traduisant par de minces plaintes extérieures, et son cerveau avait lâché l'affaire, elle était inconsciente. La seule preuve de sa vivacité était sa faible voix qu'on entendait. Elle poussait de longs hurlements, me blâmant – a tort, elle pensait ! - mais rien de tout cela ne sortait.

Quand elle ouvrit enfin de nouveau les yeux, elle avait devant elle un plafond blanc, et elle entendait le bruit d'une chaise, puis de quelques pas, qui s'approchaient d'elle. Des bruits de talon, à ce qu'elle pouvait entendre.

«  Ma pauvre fille, cela fait des heures que tu es dans cet état là... j'ai bien cru que nous devions t'emmener aux urgences. »

Remerciant machinalement la dame, elle demandait ensuite un verre d'eau, il faut dire que nous étions assoiffées, et elle buvait, simplement, avant de reposer de nouveau la tête sur son oreiller, fermant les yeux. Elle souffrait encore, mais elle se disait que ce n'était pas ma faute, qu'elle devait avoir attrapé une maladie extérieure... Elle en était sûre, et elle y croyait elle-même.

Au bout d'un moment, elle pût entendre le bruit d'une porte qui s'ouvre, et elle restait muette, ouvrant lentement les yeux pour voir la personne qui allait faire son entrée dans la pièce, tandis que moi je jouais avec l'interrupteur de la chaudière... Chaud, froid, chaud, froid, chaud... chaud. Merde, je venais de le casser. Bon, ben il ne me restait plus qu'à attendre la personne qui venait d'entrer
 

La personne venait de s'asseoir à coté d'elle, et elle ne lui adressait même pas un regard... pas même quand il lui parlait. Je veux bien que ce mec soit pas très sociable, mais quand même ! Là, il s'adressait à elle, et il ne la regardait même pas !

▬ On m'a dit ce qu'il s'est passé. Comment te sens-tu, maintenant ?

Elle ne parlait pas pendant un instant, semblant avoir été prise d'une légère absence comme il lui en arrivait souvent. Quand elle revint à elle – au bout de quelques fractions de secondes – une réponse machinale fût prononcée

- Ce matin, je me suis levé en me disant que tout irait bien, que je bénéficierais d'une journée de paix, d'une journée où je pourrais vivre normalement, sans avoir à rester proche de la zone de l'infirmerie... Un jour où je pourrais suivre des cours, et ne pas avoir à veiller à la bibliothèque.

Elle le savait, rien n'irait mieux si elle se plaignait à cet homme, qui demeurait pour elle un parfait étranger, mais la première personne à n'être jamais venu la voir dans son lit d'hôpital, en dehors de sa sœur. Il fallait qu'elle lui parle, qu'elle s'adresse à un adulte, pour vider son sac, car elle savait que lui, il ne dirait rien , elle savait que même s'il n'en avait rien à faire, au moins il ne risquait pas d'avoir des débordements.

Elle cherchait dans son regard un réconfort, ou du moins une forme de pitié, elle cherchait, dans son regard, ce qu'elle voulait sentir, des gens qui partageaient sa peine, sa douleur, qui la comprenaient, elle voulait ceci, car ensuite, elle se sentait moins seule et plus comprise, et du coup cela lui permettait de vivre bien mieux.

Elle ne versait pas de larmes, mais c'était tout comme, ses mots n'étaient pas employés de manière anodine, elle les envoyait, aussi tranchants qu'elle le pouvait, elle montrait l'enfer qu'elle vivait au quotidien, et tout ça à cause d'une stupide maladie...

Elle ne révélait jamais la nature de la maladie, prétendait avoir subi tous les traitements, mais aucun ne savait lui faire effet. Elle mentait comme un chef pour me protéger, et j'en étais bien fier... Je pouvais sentir qu'elle avait un certain sentiment, comme celui qu'elle éprouvait pour sa sœur... J'avais cru comprendre qu'elle appelait ça « La famille »... Alors elle ressentait de la famille pour lui aussi ? Pourtant... c'était un parfait inconnu. Peut être était-ce car il était vieux... Oui, sûrement. Peut-être avait-je laissé passer des bribes de son histoire ? Auquel cas, elle voudrait ensuite faire tout ce qu'elle pourrait pour l'aider... Et mince, je suis bête !

 

Malheureusement, ma jeune hôte ne trouverait pas, dans le visage de son interlocuteur, cette lueur qu'elle espérait, cette petite larme, ce regard un peu baissé, cette lèvre mordue, pas le moindre, non, elle se heurterait à un mur... Un mur au passé certes dramatique, mais il restait tout de même un mur. Elle restait alors un peu blessée, cachant sa tristesse... Cependant, elle ne lui en voulait pas, non, elle s'en voulait à elle, pour compter trop sur les autres.

▬ Si tu le souhaites, je prendrai de mon temps pour te donner des cours particuliers et des cours de rattrapage. Mais je crains néanmoins que ta mauvaise condition ne te prive à jamais d'exceller dans l'exorcisme

Elle le savait déjà, ça... Elle devait déjà compter sur les autres en toute circonstance, comment ferais-t-elle face à un véritable démon ? Eh bien, elle m'appellerait. Et si, un jour, elle ne le pourrait pas ? Et si, par un hasard, elle se trouvait seule, face au monde ? Comment ferais-t-elle ? Cette possibilité, terrifiante pour sur, la laissait muette tandis qu'elle regardait de nouveau le visage de l'homme, une expression partagée entre une triste douleur et un espoir qui renaît légèrement.

- Merci... Merci vraiment pour ce que vous proposez de faire pour moi. Je promets de ne jamais vous décevoir... Et, bien malheureusement, je sais que je serais plus un poids qu'autre chose pour les autres Exorcistes, facile à manipuler par un démon, instable, et capable de faire une crise à n'importe quel moment... Cependant, je veux être utile au monde malgré tout ! Même si pour ça, je dois venir au bout de ma maladie ! Même si je dois me tuer à la tâche, alors je le ferais ! Je ne mourrais pas sans rien faire !

Elle avait brusquement commencé à lever son dos du lit, cependant, l'espace d'un instant, elle sentit une brûlure qui la fit tousser et la recolla contre son lit, respirant assez difficilement. Mais, comme pour prouver de sa volonté, elle levait de nouveau le dos, cette fois plus lentement, mais toujours autant.

- Devriez-vous venir me chercher alors que je ne peux qu'à peine respirer, je serais encore en l'état d'assister à vos cours... Mais alors, pourquoi aller si loin pour quelqu'un qui ne sera jamais une bonne Exorciste ? Si vous pensez vraiment que je n'en vaut pas la peine... Alors pourquoi vous occuper seulement de moi ?

C'était ça le vrai problème... Pourquoi est-ce qu'un professeur comme lui s'occupait d'une élève malade comme elle, qui ne tenait qu'à peine debout... C'était assez difficile à comprendre, à raison, car les gens sympathiques n'étaient que rares dans ce monde. Elle trouvait alors, en le regardant, une sorte d'image de bonté, et elle se sentait tout de suite protégée... Elle avait l'impression qu'il voulait l'aider... Un peu comme si il avait une « aura » bienveillante au-delà de ses apparences froides.