Deux personnes, quatre personnalités.

Comme d'habitude, Némésis avait la tête basse, elle était à peu près triste, mais... Pas triste dans le sens que vous l'imaginez, pour une raison quelconque, non, c'était juste un accès de blues comme il lui en arrivait souvent. Et dans ces cas là, ce qu'elle se contentait de faire, c'est de vagabonder le long des couloirs, tandis que je me reposais tant que je le pouvais. Souvent, je cherchais à l'occuper en lui parlant des personnes qu'elle rencontrait sur le chemin. Je lui révélais des choses à propos d'eux que moi seul je pouvais savoir. Souvent, elle souriait, mais oubliait les nouvelles aussi vites qu'elles étaient venues, simples anecdotes d'une journée, qui n'avaient que très peu d'influence sur elle. Ce qui la surprenait, c'était quand je lui parlais de tout ceux qu'elle voyait anciennement, et qui s'avéraient être en fait des personnes bien loin de ce qu'elles étaient. Cependant, et elle le savait, j'étais seul maître de ses souvenirs. Elle comprenait bien que nous partagions le même corps, mais que j'avais le droit de vie et de mort sur elle, et à vrai dire, elle n'y faisait même plus attention à force. Inéluctablement, ses pas la menaient en direction jusque dans les couloirs que partageaient les exorcistes et les gens normaux, et c'est là qu'une chose attirait son attention. Je me faisais muet sur une personne, comme si je ne voulais rien lui dire, et je m'effaçais même a son profit, attirant le regard de la jeune fille sur la personne qui se tenait là. Apparemment, la personne qui lui faisait face avait une sorte d'élégance, mais surtout, elle avait des yeux vairons, tout comme elle. Ce n'était pas anodin, et elle le comprenait, alors elle me demandait si elle pouvait aller lui parler sans aucun problème, question à laquelle je restais sans réponse. Soupirant ensuite un peu, elle tentait de garder le contrôle de ses pensées et s'approchait de lui d'un pas un peu hésitant, et une fois qu'elle lui fit face, elle restait muette. Après quelques courtes secondes où elle cherchait comment s'adresser à lui, elle optait pour une approche basique, mais elle se sentait malgré tout livrée à elle-même, et elle sentait que quelque chose n'allait pas avec moi... Ah, que je peux devenir méchant quand je le veux. Elle avait peur de l'autre personne, et je ne saurais lui donner raison ou tort – Après tout, elle était d'un naturel assez influençable, et la voilà qu'elle se tenait face à une personne que je savais manipulatrice... Cette rencontre promettait d'être intéressante.

« -Salut... J'ai pas su m'empêcher de remarquer que... Enfin, j'ai l'impression qu'on est un peu semblables, quoi. »

Qu'il était dur de parler quand ce n'était pas moi qui lui soufflait des mots à l'esprit, tsk... Des fois, j'avais vraiment l'impression de devoir m'occuper d'une gamine. Mais enfin bref, l'idée était que la jeune femme s'était repliée sur elle-même, croisant les bras et regardant le jeune homme dans les yeux, surtout car elle n'avait pas envie de se dégonfler.
 

Je regardais la personne qui lui faisait face... Ah, donc oui, il était comme ça... Tandis que j'étais encore plongé dans mes pensées, une question vint se planter devant moi comme un mur... Ouch. Elle ne s'en relèverait jamais.

« - Pardon d'être aussi brusque mais... puis-je savoir à qui ai-je affaire ? »

Sa respiration se coupait un moment, et elle se mit à paniquer. Suppliant pour mon aide, elle ne savait que dire... Donc j'allais lui venir un peu en aide. Me révélant légèrement, je lui murmurais des mots à son oreille, qu'elle se contentait de répéter avec un peu plus d'intentions.

«  - Ce que je suis, c'est bipolaire. Et ceci n'est pas du qu'à une maladie, si tu vois ce que je veux dire. »

Ensuite, elle retenait sa respiration, ce qui est très mauvais pour une jeune fille comme elle... Mais elle n'en avait que peu à faire, elle stressait trop, et si elle ne voulait pas se mettre a paniquer, elle devait se retenir de respirer. Elle ne baissait cependant pas le regard de l'autre personne... Puis à un moment, je lui fit remarquer – et à juste titre – qu'elle devait peut être penser à respirer, et elle se mit aussitôt à reprendre sa respiration, d'une manière lourde.

Elle tentait de masquer sa respiration par un mutisme exagéré et un rythme lent. Et bien sur, avec son problème de respiration vint une larme, comme toujours... C'est fou, mais j'aurais juré avoir déjà vécu ce – Oh, suis-je bête, c'est moi qui contrôle ses émotions. Je peux vraiment m'amuser avec elle... Mais là, je ne vais pas jouer sur son interrupteur, et je vais me contenter de la laisser se lamenter auprès de cet individu qui s'en fichait probablement, et je le comprenais.

« -Aussi fou cela te paraît-il, je suis habitée par un démon. Vas-y, éclate de rire, je ne t'en voudrais pas, il fallait juste que j'en parle. Que j'en parle avant qu'il ne m'en empêche. »

Mais quelle conne... C'est pas possible, elle venait de tout lui dire ! Nan, mais là, y'a un moment où on dépasse les bornes ! Elle n'a VRAIMENT aucun sens des responsabilités ou quoi ? Une gamine, j'vous dit ! J'suis en maternelle, là, mais c'est dingue... Bon, je me calme et je respire un bon coup, ça aurait pu être pire, elle aurait pu... Non, elle n'allait pas le faire, je m'en étais assuré en lui déclenchant une petite quinte de toux, pour bien prendre ma vengeance... Elle n'avait eu que ce qu'elle méritait, merde !
 

Il n'éclatait pas de rire ? Il ne la prenait donc pas pour une folle ? Mais comment était-ce possible... Ah oui, j'avais oublié... Il était comme nous. J'avais donc paniqué pour rien... Que c'était incommode pour quelqu'un de ma nature de paniquer ainsi. Je suis censé être le plus courageux... Et je ne suis même pas censé avoir de sentiments, je suis un démon ! Mais en tout cas, il s'adressait maintenant à elle

«- Me moquer ?... Pourquoi le ferais-je ? Après tout, c'est toi qui est venu vers moi pour me demander si nous étions semblable.. non ? »

Et il se retournait... Quelle interaction courte, dites moi. À peine quelques mots échangés, et il partait déjà ? Comment était-ce seulement possible... Non, il allait forcément se retourner... Ben oui, je le savais.

« Peut-être as-tu raison... peut-être moi aussi ai-je un démon au fond de moi... après tout, qui sait ce qu'il y a à l'intérieur de chaque individus ?... »

Nan mais arrête avec tes conneries... Je le sais que t'es un démon... Mais je vais pas quand même me ramener, et dire à Némésis « Yo, le mec est un démon »... Nan, il faut que je trouve un moyen de le faire, mais plus subtilement... Eh bien en voilà une idée ! Je me mis alors à parler avec elle, des mots qu'elle répétait, en y ajoutant toujours le ton.

« - Chacun à en soi une partie de bien et une partie de mal, et selon la dose, on leur donne le nom d'humain ou de démon... Mais nous deux, nous sommes différents, nous sommes autant d'un coté que de l'autre, nous sommes égaux. »

Elle souriait à cette idée là, ils étaient égaux... Elle, qui était la représentation même de l'égalité, était l'égal de quelqu'un... Cependant, lui, il n'avait pas reçu le don de Némésis... Mais pourquoi? Telle était sa question, ce à quoi je répondais simplement qu'il n'était fait  pour coller à l'épée. Elle voulait en savoir plus, alors je l'encourageais à demander d'elle-même à son interlocuteur, ce qui la laissait un peu silencieuse, et elle partit un peu dans ses pensées... j'en profitais alors pour glisser quelques mots de sa bouche sans qu'elle ne s'en rende compte

« - Démon de nature, humain de corps, ne garde pas de secrets. »

Et je m'éclipsais... Oui, j'avais parlé un peu vite et n'importe comment, disant des mots qui ne faisaient aucun sens, mais je devais faire vite avant qu'elle ne revenait à elle. D'un coup elle revint silencieusement et regardait l'autre personne, lui faisant un chaleureux sourire, avec une petite trace de sang coagulé sur sa lèvre inférieure.
 

Elle ne semblait pas prendre conscience de ce qui venait de se passer, car elle n'avait pas fait attention aux mots que je venais de dire. Elle restait muette et souriante face à l'autre personne qui, lui, avait bien entendu les mots

« - L'égalité.. quelle phrase intéressante... et pour toi, nous sommes les représentants de cette égalité parce que nous sommes des deux côtés du mur ?... »

Des deux cotés du mur... Mais de quel mur parlait-il ? Du mur des races ? Mais... Comment pouvait-il s'exprimer ainsi ? Elle n'avait dit que des choses bénignes... Oh, c'était surement de ma faute – Bien sur, elle le savait déjà, je n'avais pas besoin de me cacher. À vrai dire, j'en étais même presque fier.

« - Je garde mes secrets justement parce qu'ils sont censé être secret mais, tu me sembles bien plus au courant que quiconque, alors pourquoi ferais-je part de quoi que se soit ? »

Elle aurait bien voulu lui répondre qu'elle ne savait rien, mais si elle le faisait, elle se retrouverait sûrement dans quelques problèmes... Et bien sur, à cause de moi : Il ne faut jamais dire qu'on ne sait rien quand je suis dans le coin. Suivant ensuite un peu le regard du jeune garçon, elle levait la main en direction de la bouche

« - Tu es blessée ? » Nous demandait-il en tendant un mouchoir « Tiens, tu saignes au niveau de la bouche. »

La jeune schizophrène attrapait alors le mouchoir et tapotait contre la petite tâche de sang. Ensuite, elle continuait de le regarder, un peu plus calme, mais toujours aussi prudente sur ses mots – Elle ne voulait pas que je fasse une nouvelle sortie fulgurante

« - Des fois, il m'arrive de rentrer en conflit avec les esprits... Et c'est à ce moment là où j'obtiens une lueur de lucidité... ou d'insanité, je ne sais pas trop. C'est exactement ce qui à eu lieu il y a peu de temps.... »

Ses mots ne menaient nulle part, mais transcrivaient ses émotions... A quoi bon, la scène ne pouvait se retranscrire. ? Des mots la bloquaient, alors elle attrapait sa croix dans sa main et murmurait, assez fort pour que son interlocuteur l'entende

« - Mon ange gardien est déchu, et il me fait jouer aux Icares... »

Ensuite, elle soupirait un peu et redirigeait de nouveau son regard vers son semblable, honteuse, avant de continuer à parler, d'une voix toute aussi basse

« - Mais mes divagations ne t'intéressent pas, et je te comprends.... Excuse moi de te les faire subir. »

Après  une rapide inclinaison, elle restait fixe, les yeux et la tête bas, m'insultant silencieusement de tous les noms possibles. Tout ceci était de ma faute, et maintenant, elle allait passer pour une folle... mais elle était folle !
 

C'est court, mais l'approche de la rentrée me plombe le moral !